Intervention de Patrick Raude

Réunion du jeudi 8 février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Patrick Raude, secrétaire général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) :

La SACD, qui a été créée par Beaumarchais, représente environ 60 000 auteurs, scénaristes, réalisateurs et vidéastes.

Nous nous associons aux inquiétudes, largement partagées, sur les sources et le montant des financements des chaînes privées et publiques. Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, qui constitue d'après nous une profonde erreur. Le seul moyen de la réparer consiste à mettre en place un financement affecté. Sans cette mesure, l'audiovisuel public se trouve livré à une incertitude majeure. Cette question, qui dépend du législateur organique, doit être traitée rapidement pour répondre aux échéances. Nous espérons vivement que les propositions formulées pourront cheminer.

Les recettes publicitaires contribuant au financement des chaînes publiques et privées sont une autre source de préoccupation. Sur ce point, il suffirait d'aligner le cadre réglementaire français sur les dispositions en vigueur dans tous les autres pays d'Europe. Il s'avère qu'en France, plusieurs secteurs sont exclus de la publicité télévisée, alors qu'ils pourraient participer au financement de la création, mais aussi du pluralisme et de la qualité de l'information.

Il y a quelques années, j'étais à la tête de la direction du développement des médias, l'actuelle direction générale des médias et des industries culturelles. À cette époque, la France avait dû faire évoluer le décret pour éviter une procédure d'infraction, en réduisant considérablement le champ des secteurs exclus. Plus de quinze ans après, il est grand temps d'achever ce travail, car la situation existante est très fragile au regard du droit européen. J'ajoute que des mécanismes de compensation pour la presse régionale pourraient être étudiés. Pour l'instant, l'essentiel des ressources publicitaires est réorienté vers les grandes plateformes américaines, qui sont suffisamment puissantes pour ne pas avoir besoin d'aide de la réglementation française.

L'augmentation importante du nombre de chaînes diffusées en hertzien sur la TNT a permis d'enrichir l'offre de programmes. Elle a aussi entraîné un émiettement de l'audience et une baisse du coût des recettes publicitaires associées. En outre, dans le cadre des conventions mises en place par l'Arcom, les chaînes naissantes ont reçu des obligations de préfinancement de la création bien plus faibles que celles des acteurs historiques. Nous sommes très confiants sur le fait que les prochaines conventions seront dans ce domaine beaucoup plus ambitieuses.

En tant que représentante des auteurs, la SACD est associée aux discussions et aux négociations sur les accords professionnels, notamment dans le secteur de l'audiovisuel. Ce système prend effectivement du temps, mais présente une grande vertu, à savoir la coconstruction du dispositif de régulation et de relations professionnelles. La SACD a signé tous les accords précités, sauf celui avec M6. Elle maintient sa position, considérant que cet accord organise et pérennise la rente de régulation dont bénéficie la chaîne depuis sa création. Nous ne comprenons pas pour quelles raisons les obligations de M6 sont inférieures à celles des chaînes du service public ou de TF1.

D'autre part, malgré de longs mois de discussion, la SACD n'est pas parvenue à conclure d'accord avec Disney+. Elle compte sur l'Arcom pour mettre un terme à l'avantage de régulation et à la rente dont bénéficie Disney+ vis-à-vis de ses concurrents (Netflix, Amazon Prime) lors des prochaines conventions, instaurées en début d'année 2025.

En ce qui concerne les conditions de travail des auteurs, des avancées importantes ont été accomplies en 2023. Des accords professionnels ont été signés entre les représentants des auteurs et les organisations de producteurs, dans le domaine de la fiction et de l'animation. Des discussions sont en cours pour le secteur du cinéma, et nous ferons tout notre possible pour finaliser des accords avant le prochain Festival de Cannes.

Nous partageons entièrement les recommandations des autres intervenants quant au renforcement des moyens de contrôle de l'Arcom, en particulier sur sa capacité à contrôler les assiettes. Je précise que ces pouvoirs de contrôle doivent s'appliquer aussi aux acteurs français, et pas seulement aux acteurs étrangers.

Pour ce qui est de la souveraineté, j'approuve entièrement les propos de Pierre Jolivet sur la nécessité de maintenir une souveraineté culturelle via la défense des catalogues d'œuvres. La France joue un rôle précurseur à cet égard, et il est important que l'Europe lui emboîte le pas.

En revanche, je regrette que la France ait été un adversaire plutôt qu'un soutien du texte portant sur la souveraineté culturelle dans l'intelligence artificielle. Ce texte était porté par l'ensemble du Parlement européen et des pays du Conseil. Il rappelle que le développement de l'IA ne peut s'affranchir du droit des auteurs, et plus largement du droit de la propriété intellectuelle. Il prévoit également une obligation de transparence sur les œuvres utilisées pour entraîner les moteurs.

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